Lectures de l’été #3 : « Pour en finir avec le machin » de Norbert Alter

#lectures de l’été, un roman pour changer cette semaine, Le sociologue Norbert Alter (dont l’ouvrage « L’Innovation ordinaire » est un de nos livres de chevet) a publié en 2024 un roman intitulé « Pour en finir avec le machin, les désarrois d’un consultant en management ». Le « machin » et ses machineries sont ici pour remplacer le concept de management ou de « managérialisation » des pratiques professionnelles.
Frédéric le personnage central est un consultant qui a commencé sa carrière par un doctorat en chimie (l’occasion d’un portrait au vitriol des jeux de pouvoir dans le monde de la recherche académique) puis passe de l’observation et l’analyse des composants chimiques à celui des individus dans les organisations. Petit à petit il s’interroge: la managérialisation n’est elle pas un processus qui détruit la capacité de collaboration des collectifs par la rationalisation des process de travail… Il observe le fonctionnement d’une structure et souligne « les coutumes fabriquaient ainsi une compétence collective[…]. La logique du don contre don associait les compétences individuelles en une somme dont la valeur dépassait de loin l’addition des compétences individuelles ». Il partage avec nous ses observations, l’incapacité des managers et dirigeant·es à renoncer à des croyances problématiques aussi bien à l’échelle de l’humain que de la performance. La vision de la performance individuelle qui ne permet pas de voir le réel de l’activité…
Les analyses sont à la fois drôles et un peu désespérées mais c’est aussi une ode à la prise de recul, à la méthode scientifique et la capacité de la sociologie à nous permettre de penser le travail et son organisation. Frédéric découvre « un Machin [management] […] incapable d’accéder à la réalité du monde, ses sensations s’accordaient plus avec son esprit. Il demeurait en suspension là-haut, indépendant de la vie de ceux qui s’agitent sur la terre. Il flottait. Moi, je me soignais parce que je souffrais de cette situation. Pas lui. Au contraire, cette insensibilité lui permettait de se présenter comme un garant d’un ordre moral incontestable et d’un puritanisme débridé. Comme un malade mental dicterait sa raison à des gens en bonne santé mentale, il avait la certitude d’être le seul à faire le bien et le juste. »